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Blachère, 1957

Sourate XLVIII.
Le Succès.
(Al-Fatḥ.)

Titre tiré du vt. 1.

Cette sourate est tout entière composée de révélations reçues après la marche sur la Mekke, pour y accomplir la ‛Umra (ou Pèlerinage Mineur), en mars 628. Elle contient donc ces allusions nettes à la Convention de Hodaïbiyya et à l’expulsion des Juifs de l’oasis de Khaïbar. Il est même donné à penser que certains traits sont postérieurs à l’accomplissement de la ‛Umra, en 629. Comme toujours, ces révélations n’ont pas pour objet de relater les événements. Elles rappellent seulement l’intervention de Dieu, dans le succès diplomatique remporté par Mahomet, et sont destinées à ranimer la confiance de quelques Croyants dépités de n’avoir pas pu s’installer à la Mekke.

Au nom d’Allah, le Bienfaiteur miséricordieux.

[Allusion a un succès (probablement celui de Hodaïbiyya). Fidélité des Croyants opposée a l’abstentionnisme des Bédouins.]

1 En vérité, [Prophète !,] Nous t’avons octroyé un succès éclatant, [1]

2 afin qu’Allah te pardonne tes premiers et tes derniers péchés, [afin aussi] qu’Il parachève Son bienfait envers toi et qu’Il te dirige dans une Voie Droite.

3 Allah te prête un secours puissant.

4 C’est Lui qui a fait descendre la Présence Divine (sakîna) dans les cœurs des Croyants, afin qu’ils ajoutent une foi à leur foi. A Allah les légions des cieux et de la terre. Allah est omniscient et sage. [2]

[543] 5 [Il fit cela] afin de faire entrer les Croyants et les Croyantes dans des Jardins sous lesquels couleront les ruisseaux [et] où ils resteront immortels. Il effacera pour eux leurs mauvaises actions et cela formera, auprès d’Allah, un Succès Immense.

6 Il tourmentera les Hypocrites, hommes et femmes, les Associateurs et les Associatrices, ceux qui font sur Allah la conjecture mauvaise. Contre eux le sort mauvais ! Qu’Allah se courrouce contre eux et les maudisse ! Qu’Il prépare pour eux la Géhenne ! Quel détestable « Devenir » !


7 A Allah les légions des cieux et de la terre. Allah est puissant et sage.

8 [Prophète !,] Nous t’avons envoyé comme Témoin, Annonciateur et Avertisseur,

9 afin que vous croyiez en Allah et en Son Apôtre, [pour que] vous L’assistiez et L’honoriez et [que] vous Le glorifiez à l’aube et au crépuscule.

10 Ceux qui te prêtent serment d’allégeance prêtent seulement serment d’allégeance à Allah, la main d’Allah étant [posée] sur leurs mains. Quiconque est parjure est seulement parjure contre soi-même. Quiconque [, au contraire,] est fidèle à l’engagement pris envers Allah, recevra de Celui-ci une rétribution immense. [3]

[Adresses aux Bédouins, après leur abstention lors d’une expédition. Appel aux mêmes.]

11 Ceux des Bédouins laissés en arrière te diront : « Nos biens et nos familles nous ont préoccupés [et nous ont empêchés de te suivre]. Pardonne-nous ! » [544] Ils diront de leurs bouches ce qui n’est point en leurs cœurs. Demande[-leur] : « Qui donc possédera quelque chose pour vous, à l’encontre d’Allah, s’Il désire vous faire tort ou s’Il désire vous donner profit ? Non ! Allah est bien informé de ce que vous faites. [4]

12 Non ! vous avez conjecturé que l’Apôtre et les Croyants ne retourneraient jamais parmi les leurs ! Cela, dans vos cœurs, a été paré [de fausses apparences]. Vous avez conjecturé la conjecture mauvaise. Vous êtes un peuple [de] Sans Loi. »

13 Celui qui n’aura pas cru en Allah et en Son Apôtre [sera châtié], car Nous avons préparé un brasier pour les Infidèles.

[Refus a des Bédouins de participer a une expédition. Appel aux mêmes, pour une expédition.]

14 A Allah la royauté des cieux et de la terre. Il pardonne à qui Il veut et Il tourmente qui Il veut. Allah est absoluteur et miséricordieux.

15 Voulant changer l’arrêt d’Allah, ceux laissés en arrière diront, quand vous vous mettrez en marche pour des masses de butin, afin de les prendre (sic) : « Laissez-nous vous suivre ! » Réponds[-leur] : « Vous ne nous suivrez point ! Ainsi a parlé Allah, auparavant ! » Ils diront : « Non ! vous nous portez envie ! » Non point ! ils ne se trouvent que peu comprendre. [5]


16 Dis à ceux des Bédouins laissés en arrière : « Vous êtes appelés contre un peuple plein d’une redoutable vaillance. [Ou bien] vous les combattrez [545] ou bien ils se convertiront à l’Islam. Si vous obéissez, Allah vous donnera une belle rétribution, alors que si vous tournez le dos, comme vous avez tourné le dos antérieurement, Il vous infligera un tourment cruel. » [6]

17 Il n’est [toutefois] nul grief (ḥaraj) [à s’abstenir] pour l’aveugle, nul grief au boiteux, nul grief au malade. Quiconque obéit à Allah et à Son Apôtre sera introduit dans des Jardins sous lesquels couleront les ruisseaux. A quiconque tournera [au contraire] le dos, [Allah] infligera un tourment cruel. [7]

[Satisfaction d’Allah touchant les Croyants a Hodaïbiyya. Manifestations de sa faveur.]

18 Allah a été satisfait des Croyants quand ils te prêtaient serment d’allégeance, sous l’arbre [de Hodaïbiyya]. Il a reconnu ce qui est en leurs cœurs. Il a fait descendre sur eux la Présence Divine (sakîna) et les a gratifiés d’un proche succès [8]

19 et d’abondantes masses de butin qu’ils prendront. Allah est puissant et sage.

20 Allah vous a promis des masses abondantes de butin que vous prendrez. Il a hâté pour vous cette prise et Il a détourné de vous les mains de ces gens. [Il a fait cela] afin que ce soit un signe pour les Croyants et [pour] vous diriger dans une Voie Droite. [9]

21 [Il a accompli] une autre [chose] qui n’était point en votre pouvoir et qu’Il a embrassée [en Sa puissance]. Allah, sur toute chose, est omnipotent. [10]

22 Si ceux qui sont infidèles vous avaient combattus, ils auraient ensuite [546] tourné le dos et n’auraient plus ensuite trouvé ni patron ni auxiliaire, [11]

23 selon la coutume (sunna) d’Allah qui fut antérieurement. Or tu trouveras la coutume d’Allah non modifiable.

24 C’est Lui qui a écarté de vous les mains [des Infidèles et qui a écarté] d’eux vos mains, dans le Val de la Mekke, après vous avoir donné avantage sur eux. Allah, sur ce que vous faites, est clairvoyant. [12]

25 Ce sont [] ceux qui ont été infidèles et vous ont écartés de la Mosquée Sacrée ainsi que de l’oblation (hady) dont le lieu de sacrifice [vous] était interdit. N’eussent été des hommes croyants et des femmes croyantes inconnus de vous [, parmi les Infidèles,] que vous risquiez, à votre insu, de broyer sous vos pieds, en sorte qu’une représaille vous aurait atteints de leur part, [vous auriez porté vos coups contre les Infidèles]. [Tout cela s’est fait] pour qu’Allah fasse entrer qui Il veut, en Sa miséricorde. S’ils s’étaient signalés, Nous aurions fait subir un tourment cruel à ceux d’entre [ces gens] qui sont infidèles. [13]


26 [Rappelle-toi] quand ceux qui sont infidèles mirent en leurs cœurs la fureur — la fureur de la Gentilité (jâhiliyya) ! Allah fit descendre Sa Présence Divine (sakîna) sur Son Apôtre ainsi que sur les Croyants et les obligea à la Parole de la Piété : ils étaient les plus dignes de [cette parole]. Allah, de toute chose, est omniscient. [14]

27 Allah a certes montré la véridicité de Son Apôtre au sujet de la vision : « Vous entrerez certes en la Mosquée Sacrée, si Allah veut, paisibles, [547] la tête rasée, [les ongles et la barbe] taillés, sans crainte. » Il a su ce que vous ne saviez point et a placé, en deçà de cela, un proche succès. [15]

28 C’est Lui qui a envoyé Son Apôtre avec la Direction et la Religion de Vérité, pour lui donner primauté sur la religion en entier. Combien Allah suffit comme témoin !


29

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[1] 1 fataḥnâ la-ka. « Nous t’avons octroyé. » Text. : Nous avons ouvert pour toi. ǁ fatḥan « un succès ». Sur la valeur de ce terme, v. sourate LVII, 10. — A quel succès le texte fait-il allusion ? Certaines données rassemblées par Tab., posent qu’il s’agit de la prise de la Mekke. C’est toutefois fort peu vraisemblable et l’allusion à une abstention bédouine (vt. 11 sqq.) donne à penser qu’il s’agit du succès politique remporté par Mahomet, par la convention de Hodaïbiyya. Dans l’ensemble d’ailleurs, l’exégèse penche dans ce sens.

[2] 4 Présence Divine. Cf. sourate II, 249. ǁ Afin qu’ils ajoutent une foi à leur foi = afin qu’une foi plus vive encore augmente la foi qu’ils ont déjà.

[3] 10 Ceux qui te prêtent serment etc. Les commt. posent qu’il s’agit du serment prêté à Mahomet, par les Croyants, à Hodaïbiyya. Mais peut-être l’expression vise-t-elle tout serment de cet ordre. ǁ La main d’Allah étant [posée] etc. Détail de la prestation de serment, au cours de laquelle ceux qui jurent posent la main ouverte sur celle, également ouverte, de celui qui reçoit le serment. Ce geste symbolique qui rappelle celui de deux contractants en une affaire commerciale se maintient durant tout le Moyen Age, lors de l’intronisation des Califes.

[4] 11 Ceux des Bédouins laissés en arrière. La Tradition historico-biographique dit qu’il s’agit de tribus bédouines qui, préférant rester dans l’expectative, refusèrent de suivre Mahomet et les Croyants, lors de la marche sur la Mekke en 628. Le terme al-muḫal-lafîna « laissés en arrière » n’implique point que les Bédouins qu’il désigne aient été intentionnellement éloignés du combat et du butin. Il suggère seulement qu’ils ont été portés à s’abstenir soit par leur couardise, soit par la volonté divine de montrer leurs vrais sentiments à l’égard de l’Islam. Ce dernier point est d’ailleurs mis en lumière par la sourate IX, 82.

[5] 15 Selon la Tradition historico-biographique, ce vt. viserait les Bédouins qui demandèrent à participer à l’expédition contre Khaïbar. C’est sans doute aussi d’après ce passage que cette même Tradition rapporte que seuls participèrent à l’expédition de Khaïbar, les Croyants ayant renouvelé serment d’allégeance à Mahomet, à Hodaïbiyya. ǁ maġânima « des masses de butin ». Rappelons qu’à Khaïbar, tous les biens détenus par les Juifs, y compris la terre, furent l’objet du partage.

[6] 16 De toute évidence, ce vt. et le suiv. sont originellement indépendants des deux courtes révélations qui précèdent et ils leur sont postérieurs. L’ennemi visé par l’expression : Un peuple plein d’une redoutable vaillance, nous demeure inconnu ; cf. les données recueillies par Tab., qui posent qu’il s’agit des Perses (selon I. ‛Abbâs), ou bien des « Romains » et des Perses (selon Ḥasan Baṣri, Qatâda, etc.), ou bien de la tribu arabe des Hawâzin (d’après ‛Ikrima et Sa’id i. Jubayr). Cette dernière interprétation est la plus plausible et, si elle est acceptée, elle situe le texte après la prise de la Mekke, en 630. Elle n’exclut cependant pas une autre conjecture. Il peut en effet s’agir d’un appel avant l’expédition de Tabouk, contre la Transjordanie ; dans ce cas, la révélation aurait été reçue avant octobre 630. A noter la prudence de Tab. qui, finalement, refuse de choisir entre les interprétations traditionnelles.

[7] 17 Cf. sourate XXIV, 60 et la note.

[8] 18 Selon les commt., le proche succès dont il est question ici est la prise de l’oasis de Khaïbar.

[9] 20 Les mains de ces gens = les entreprises des ennemis des Croyants. Il doit s’agir des Polythéistes mekkois qui, effectivement, s’abstinrent de tout acte hostile contre les Médinois, après la trêve de Hodaïbiyya.

[10] 21 ’uḫrä « une autre [chose] ». La restitution du mot chose est plausible si l’on admet qu’ici commence une nouvelle phrase avec verbe sous-entendu : Il a accompli. Les données de Tab. indiquent qu’il s’agirait du succès politique représenté par la Convention de Hodaïbiyya. Si l’on retient toutefois le détail de certaines expressions, et notamment le vt. 27, il est donné plutôt à penser que ce texte fait allusion à l’accomplissement de la ‛Umra, par Mahomet, en mars 629, conformément à l’accord de Hodaïbiyya.

[11] 22 Selon l’exégèse, ce vt. ferait allusion à une démonstration des Mekkois qui, à Hodaïbiyya, n’osèrent attaquer les Croyants, devant l’attitude farouche de ceux-ci.

[12] 24 Selon les commt., ce vt. ferait également allusion à une démonstration avortée des Mekkois, lors des pourparlers de Hodaïbiyya. Cette interprétation fait toutefois difficulté à cause de l’expression : Val de la Mekke qui doit désigner la partie basse de la ville et non Hodaïbiyya, comme sont contraints de le penser les commt. ; cf. Bay. qui glose par dâḫila Makkata « à l’intérieur de la Mekke ». Ici encore, il semble qu’on ait une allusion à l’accomplissement pacifique de la ‛Umra en mars 629. Cf. vt. suiv.

[13] 25 Selon certaines données, le vt. ferait allusion à une escarmouche entre Croyants et Infidèles, au cours de laquelle ceux-ci auraient été repoussés jusque dans la Mekke ; les Croyants n’auraient cependant pas poussé leur avantage de peur de tuer, involontairement, des gens ayant reçu l’Islam en secret. Ne convient-il pas plutôt de penser à l’accomplissement de la ‛Umra, en mars 629, au cours duquel les Croyants furent tenus de respecter les biens des Polythéistes mekkois qui avaient évacué la ville pour trois jours ?

[14] 26 Ce vt. et les suiv. semblent indépendants de ce qui précède. ǁ La Parole de la Piété. Traduction textuelle. Il doit s’agir du serment d’allégeance, sous l’arbre de Hodaïbiyya ; cf. ci-dessus vt. 18.

[15] 27 Ce vt. est indubitablement postérieur à l’accomplissement de la ‛Umra de mars 629. — ru’yâ « la vision ». Il peut s’agir aussi bien d’une vision hallucinatoire que d’une vision en rêve. Mais la Tradition parle seulement d’un rêve qu’eut Mahomet à Médine, qui préluda au projet de Pèlerinage de 628. ǁ Et a placé… proche succès = et Il vous a donné la possession de Khaïbar, avant de vous permettre d’accomplir la ‛Umra de 629. Cf. ci-dessus vt. 18.

[16] 29 Leur marque propre est sur leur visage à la suite de leur prosternation = on les reconnaît à leur gravité, après la Prière (?) ǁ Voici la parabole sur eux, dans la Thora et [voici] la parabole sur eux, dans l’Évangile : [Ils sont] etc. Si le texte coranique ne réfère à rien de précis, dans l’Ancien Testament, en revanche, il résume l’Évangile de Marc, IV, 26 : Il en est du royaume de Dieu comme de la semence qu’un homme a jetée en terre !… La semence grandit sans qu’il sache comment. La terre produit d’elle-même du fruit : d’abord de l’herbe, puis un épi, puis un grain bien nourri dans l’épi. Aussitôt que le temps le permet, on y met la faucille.