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Du Ryer, 1647

LE CHAPITRE DE L’HISTOIRE,
contenant quatre-vingt huit versets,
escrit à la Meque.

AU Nom de Dieu clement & misericordieux.

Dieu est tres-pur, il entend tout, il est tres-sage. Ces mysteres sont les mysteres du livre qui distingue la verité d’avec le mensonge ; Je te raconte l’histoire de Moïse & de Pharaon avec verité pour le contentement des vray-croyans. Pharaon estoit puissant en terre, il traitoit ses subiets comme bon luy sembloit, il en tourmentoit une partie, il esgorgeoit leurs enfans, il mal traittoit leurs femmes, & estoient de ceux qui salissoient la terre ; I’ay donné ma grace à ceux qui estoient affligez en terre, je les ay fait successeurs du Royaume de Pharaon, je les ay estably dans ses estats, I’ay fait voir à Pharaon, à Haman, & à leur armée ce qu’ils apprehendoient le plus, nous avons dit à la mere de Moïse, allete ton enfant, si tu crains qu’on luy fasse mal jette-le sur le Nil, n’aye point de peur, & ne t’afflige pas je te le rendray entre tes bras, & le mettray au nombre des Prophetes. Les domestiques de Pharaon l’ont rencontré sur l’eau & l’ont sauvé pour estre un jour leur ennemy, & pour les tourmenter, parce que Pharaon, Haman & leurs gens estoient infidelles ; La [ 368] femme de Pharaon luy a dit ; Je te prie de ne pas faire tuer cét enfant, mes yeux se rejoüissent de le voir, il sera un jour utile à nostre service comme nostre fils ; mais ils ne sçavoient pas (ce qui leur en devoit arriver ;) le cœur de sa mere a esté delivré d’aprehension lors qu’elle l’a veu entre les mains de la femme de Pharaon, & peu s’en a fallu qu’elle n’ait fait cognoistre qu’elle estoit sa mere, nous luy avons fait prendre patience,, & a crû en nos promesses ; Elle a dit à sa sœur de le suivre pas à pas, elle le suivit de loin sans faire connoistre qu’elle fut sa sœur, ny qu’elle prit garde à luy. Nous avions auparavant deffendu à Moïse de succer le laict d’autre nourrice que celuy de sa mere, sa sœur a dit aux domestiques de Pharaon ; Voulez-vous que je vous enseigne une nourrice & des gens qui le nourriront fidellement ? Nous l’avons fait rendre à sa mere pour le nourrir, elle a mis fin à sa tristesse quand elle a connu & veu que Dieu est veritable en ce qu’il promet, mais la plusgrande partie du peuple ne le connoit pas ; Lors que Moïse a esté aagé de trente à trente-trois ans, nous luy avons donné la science & la sagesse, je recompense ainsi les gens de bien ; Moïse entrant un jour dans la ville, rencontra deux hommes qui se battoient, l’un estoit des enfans d’Israël, & l’autre estoit Egyptien & de ses ennemis, sur qui il se jetta & le tua, apres ce il dit, le Diable m’a tanté, il est ennemy découvert des hommes, Seigneur je t’ay offensé, pardonne moy, il luy pardonna, il est [ 369] clement & misericordieux ; Seigneur puis que tu m’as fait tant de grace, je ne donneray jamais ayde ny secours aux infidelles. Il demeuroit dans la ville avec crainte, & se tenoit sur ses gardes, le lendemain il a rencontré une autre fois celuy qu’il avoit deffendu le jour auparavant qui se battoit encore avec un autre Egyptien, & luy a deman secours ; Moïse luy dit, tu es un seditieux, il luy respondit ; ô Moïse, me veux tu tuer, comme celuy que tu tuas hier ? Veux-tu estre un tueur de monde ou homme de bien ? Peu de temps apres un homme accourut à luy de l’extremité de la ville qui luy dit ; ô Moïse les ministres de Pharaon ont conspiré contre toy, ils te veulent faire mourir, sauve-toy, & suis mon conseil ; Il sortit de la ville avec crainte, se tenant sur ses gardes, priant son Seigneur de le delivrer des mains des infidelles, il s’en alla du costé de Madian, & dit, Seigneur ne permets pas que je suive un mauvais chemin ; il rencontra un grand nombre de personnes qui faisoient boire leurs troupeaux ; il y trouva deux filles qui ne pouvoient pas abreuver leurs animaux, il leur dit, que faites-vous icy vous deux ? Nous n’avons pas la force de tirer de l’eau pour faire boire nos bestes, nous attendons le Berger, nostre pere est trop vieil pour en puiser ; Il tira de l’eau du puy pour abreuver leurs troupeaux, & se retira à l’ombre à cause de la chaleur du Soleil, disant, Seigneur, je suis privé de toutes les graces que tu m’as cy-devant données, je suis maintenant pauvre & necessiteux ; [ 370] une de ces filles le vint trouver toute honteuse & luy dit, mon pere t’appelle pour te recompenser de la peine que tu as prise d’abreuver nos animaux ; Lors qu’il fut auprés de ce vieillard, il raconta ce qui luy estoit arrivé ; ce vieillard dit, ne crains rien, je te delivreray des mains des meschans, Une de ses filles dit à sa sœur, donne à manger à cet homme, & le recompense de ses peines, il nous a aydé avec affection ; leur pere luy dit, je te veux marier à une de mes deux filles à condition que tu auras du soin de mes troupeaux l’espace de huict ans ; dix ans si tu veux, dit Moise, je ne te quitteray pas, tu me trouveras homme de bien, je te serviray les deux termes, ou huict ou dix ans si tu l’as agreable, Dieu est tesmoin de ce que je dis ; Apres le terme passé, Moïse quitta la maison de son beau pere, se retirant avec sa femme, il vit de loing un grand feu du costé de la montagne, & dit à sa femme, arrestez-vous icy, je voids le feu du tout-Puissant, je reviendray bien-tost, je vous en apporteray une estincelle, peut-estre que vous en serez rechauffée : Lors qu’il a esté auprés de ce feu, on luy a crié du costé droict du valon d’un lieu eslevé & d’un buisson ; O Moïse, je suis Dieu Seigneur de l’univers, jette ton baston en terre ; lors qu’il vid mouvoir son baston, comme s’il eust eu vie, il s’infuit de peur, & ne retournoit plus, O Moïse, approche & ne crains rien, tu es en un lieu de seureté, mets ta main dedans ta pochette, elle en sortira blanche & luisante sans [ 371] mal, retire ton bras dedans ta manche elle retournera en son premier estat, ton baston & ta main seront deux signes de ma toute-puissance auprez de Pharaon & de ses ministres qui contreviennent à mes commandemens. Moise dit, Seigneur j’ay tué un Egyptien, j’ay peur qu’ils ne me fassent mourir, commande à Aaron qui est éloquent de venir avec moy pour m’aider, & pour confirmer ce que je diray ; je crains qu’ils me démentent : Je te donneray ton frere pour t’aider, je vous donneray à tous deux la force de vous garder de leur malice, allez faire ce qui vous est commandé, vous serez victorieux & tous ceux qui vous suivront : lorsque Moise a esté auprez de Pharaon, qu’il luy a fait voir mes miracles, & presché mes commandemens à ses Ministres, ils ont dit, cela n’est que magie & enchantement, nous n’avons pas oüy parler de ces choses à nos predecesseurs. Moise dit, le Seigneur connoist celuy qui enseigne le droict chemin & celuy qui doit avoir part dans le Paradis, les infidelles seront tres-malheureux. Pharaon dit à ses ministres, connoissez-vous un autre Dieu que moy ? O Haman, faits moy faire des sacrifices & bastir un Temple, m’abuseray-je au Dieu de Moise ? je crois qu’il est au nombre des menteurs. Il s’est enorgueilly en terre avec ses ministres, & ont crû qu’ils ne seroient jamais assemblez devant moy pour estre jugez, nous l’avons surpris avec ses gens, & les avons fait perir dedans la mer, considere quelle est la fin des infidelles, nous les avons abandonnez, [ 372] & sont au nombre des condamnez au feu d’Enfer ; ils ne trouveront personne qui les protege au jour du Jugement, nous les avons maudits en terre, & seront au jour de la resurrection abominables à tout le monde. Nous avons enseigné nos commandemens à Moise apres avoir exterminé plusieurs infidelles auparavant sa venuë, Nous luy avons donné le livre pour servir de lumiere au peuple, le conduire au droict chemin, & acquerir nostre grace, peut-estre qu’ils s’en souviendront. Tu n’estois pas auprez de Moise quand nous luy avons parlé, nous avons creé un autre siecle apres luy, tu n’habitois pas en ce temps avec les habitans de Madian, ny tu ne leur enseignois pas nos commandemens, c’est nous qui t’avons enseigné l’histoire des siecles passez, tu n’estois pas sur la montagne lorsque nous avons parlé à Moise, nous t’avons envoyé par nostre grace specialle pour prescher au peuple les tourmens de l’Enfer, ils n’ont pas encor eu cy-devant un Predicateur semblable à toy, peut-estre qu’ils y penseront, lorsqu’ils ont ressenty quelque punition de leurs pechez ; ils ont dit, Seigneur, si tu nous eusse envoyé un Apostre pour nous instruire, nous aurions obey à tes commandemens & creu en ta loy ; & lorsque la verité leur a esté enseignée de nostre part ; ils ont dit, Mahomet fait-il des miracles comme Moise ? ne dementent-ils pas ce qu’a fait Moise lorsqu’ils disent que Mahomet & Moise sont deux sorciers averez, & lorsqu’ils ont dit qu’ils ne croyent ny Prophete ny escriture : dis leur, [ 373] apportez quelque livre de la part de Dieu qui enseigne mieux le droict chemin que l’ancien Testament, & plus salutairement que l’Alcoran, je le suivray si vous dites la verité : S’ils ne sont pas exaucez lorsqu’ils demanderont ce livre, sçache qu’ils ne suivent que leurs appetits & leur impieté ; qui est plus devoyé que celui qui ne suit que sa passion, & qui n’est pas conduit de Dieu ? il ne conduit pas les Infideles ; certainement nous leur avons envoyé l’Alcoran, peut-estre qu’ils croiront en luy, ceux à qui nous avons ci devant envoyé ce Livre croyent en ce qu’il contient, lors qu’ils l’entendent lire ils disent, nous croyons en ces paroles c’est la verité mesme qui procede de Dieu, nous croyons en l’unité de sa divine Majesté, ils seront doublement recompensez, parce qu’ils ont perseveré à bien faire, ils ont chassé le mal par leurs biensfaicts, & ont despencé en bonnes œuvres une partie des biens que nous leur avons donnés ; Lors qu’ils ont oüy mal parler de la foy ils se sont retirez, ils ont pris congé de la compagnie, & ont dit, vous respondrez des vos actions, & nous respondrons des nostres. Ne te soucie pas des ignorants, tu ne convertiras pas tous ceux que tu voudras convertir, Dieu convertit & conduit au droict chemin qui bon luy semble ; & connoist tous ceux qui le suivent ; ils ont dit, si je suy le droit chemin avec toy, il me faudra quitter mon pays : Ne les establirois je pas en lieu de seureté où ils trouveroient toute sorte de fruicts pour les enrichir, mais la plusgrande partie du [ 374] peuple ne le connoist pas ; Combien avons nous exterminé de Villes qui se plaisoient dans leur mauvaise vie ? Personne ne les a plus habitées, excepté fort peu de gens, & avons esté heritiers de leurs richesses ; Dieu ne ruinera pas la Meque qu’il n’aye auparavant envoyé un Apostre pour enseigner à ses habitans le droict chemin, Dieu ne ruine point de Ville si les habitans ne sont injustes, & s’ils ne desobeïssent à ses commandements ; Les biens de ce monde que vous possedez vous aggreent, mais les biens du Ciel sont beaucoup meilleurs & sont eternels, ne le connoistrez-vous pas ? N’avons-nous pas tenu promesses à ceux à qui nous avons promis le Paradis ; & à ceux à qui nous avons promis les biens de ce monde, & qui ont esté à la fin au nombre des damnez ? Souviens-toy du jour que ton Seigneur les appellera, & leur dira, où sont vos Idoles que vous croyez estre mes compagnons ? les principaux d’entr’eux diront, Seigneur, voila ceux qui ont esté devoyez comme nous, nous sommes innocents de leur idolastrie, ils ne nous adoroient pas, On dira ce jour aux Idolastres d’invoquer leurs Idoles, mais ils ne les exauceront pas, ils seront chastiez visiblement en terre ; Souviens toy du jour que ton Seigneur les apellera, & leur dira, Pourquoy n’avez vous pas crû mes Apostres & mes Prophetes, ils seront confus & demeureront muets. Celuy qui se convertira & qui fera de bonnes œuvres sera bien-heureux. Ton Seigneur crée ce qu’il veut, & fait election de qui bon luy semble. [ 375] Loüé soit Dieu il n’a point de compagnon, il sçait ce qui est dans le cœur des hommes, & ce qu’ils mettent en evidence, il est Dieu, il n’y a point de Dieu que luy, Loüange luy est deuë au commencement & à la fin, il commande à toute chose, & tout le peuple sera un jour assemblé devant luy pour estre jugé, Dis leur, Si Dieu vous avoit donné une continuelle nuict jusqu’au jour du Jugement, Quel Dieu y a il autre que luy qui vous puisse donner la lumiere ? Ne m’escouterez-vous pas ? Si Dieu vous avoit donné un jour continuel jusqu’au jour du Jugement ? Quel Dieu autre que luy vous pourroit donner la nuict pour reposer ? Ne considerez-vous pas ses biens-faits & sa grace ? Il a creé la nuict pour reposer & le jour pour travailler, peut-estre que vous l’en remercierez. Souviens-toy du jour que ton Seigneur appellera les infideles & leur dira, où sont vos idoles que vous avez adoré ? Nous appellerons un tesmoin de chaque nation & dirons aux idolatres, Apportez vos argumens qui preuvent la pluralité des Dieux, Vous connoistrez aujourd’huy vos blasphemes & qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Caron estoit des gens de Moïse, il estoit orgueilleux à cause de ses richesses, nous luy avions donné des thresors si grands, que plusieurs personnes estoient chargees lors qu’ils emportoient les clefs. Souviens-toy comme ses gens luy ont dit, Ne te réjouys pas outre mesure de tes grands biens, Dieu n’ayme pas ceux qui se resiovissent sans raison, Demande luy le Paradis avec tes richesses, n’oublie pas [ 376] de faire du bien en ce monde, faits des aumosnes, des facultez que Dieu t’a données, ne luy sois pas desobeïssant en terre, il n’ayme pas ceux qui luy desobeïssent, ces richesses t’ont esté donnees par ce que tu as enseigné au peuple l’ancien Testament, Ne sçais-tu pas que Dieu a exterminé plusieurs personnes riches & opulentes aux siecles passez ? Qui est plus fort ? plus puissant ? & plus riche que Dieu ? il ne demandera pas aux meschans le nombre de leurs pechez il le sçait tout, il en sçait le compte. Un jour Caron est sorty en public avec toute sa suitte, Ceux qui aymoient les richesses de ce monde ont dit, Pleut à Dieu que nous eussions autant de bien que Caron, il est heureux ? mais les plus sçavants d’entr’eux ont dit, Vous estes malheureux, la grace de Dieu est plus avantageuse à ceux qui croyent en sa loy & qui font de bonnes œuvres que tous les thresors de Caron, personne ne recevra sa grace que ceux qui luy obeyront & persevereront en l’obeyssance de ses commandements. Nous avons osté à Caron tous ses thresors, & personne ne l’a pû proteger contre nous, alors ceux qui avoient souhaité ses richesses ont dit, O Miracle ! Dieu donne & oste les biens à qui bon lui semble, Si Dieu ne nous eust donné sa grace, nous serions necessiteux ; certainement les impies seront malheureux. Je donneray le Paradis à ceux qui n’ayment pas la vanité ny le desordre en terre, & qui auront ma crainte devant les yeux, qui bien fera bien trouvera, celui qui fera mal, sera chastié selon ses [ 377] demerites. Celui qui t’a enseigné l’Alcoran te fera retourner au lieu que tu desire [1] : Dis aux habitans de ce lieu, que Dieu cognois ceux qui enseignent le droit chemin, & ceux qui se devoyent ; Tu n’attendois pas l’Alcoran, c’est une grace speciale de ton Seigneur, ne donne point de secours aux infideles, & prens garde qu’ils ne le devoyent apres avoir compris ce que je t’ai enseigné, Presche au peuple l’unité de Dieu, Ne sois pas au nombre de ceux qui croyent plusieurs Deïtez, n’adore que Dieu seul, il n’y a point de Dieu que lui, toute chose prendra fin excepté sa face, Il commande à toute chose, & tous les hommes seront un jour assemblez devant lui pour estre jugez.

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[1] C’est la Meque, Voy Gelaldin.