fac-similé réduire la fenêtre zoomer dans le manuscrit dézoomer dans le manuscrit galerie d'images
fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé fac-similé
Du Ryer, 1647

LE CHAPITRE DE LA CAVERNE,
contenant cent dix versets,
escrit à la Meque.

AU Nom de Dieu clement & misericordieux.

Loüange soit à Dieu qui a envoyé l’Alcoran à son serviteur. Il n’y a point de contradiction dans ce livre, il enseigne le droict chemin, il presche aux impies qu’ils ressentiront de grands tourments, & annonce aux gens de bien qu’ils joüyront d’une felicité éternelle, il presche les tourmens de l’Enfer, principallement à ceux qui disent que Dieu a un enfant, ils sont des ignorans semblables à leurs predecesseurs, ils sont orgueilleux en leurs discours, & ne proferent que des blasphemes, te veux-tu perdre pour suivre leurs vestiges ? s’ils ne croyent pas en l’Alcoran ils en auront un jour regret & s’en repentiront. Nous avons orné la terre de tout ce qui est sur elle pour l’advantage des hommes, il y en a une partie heureuse & abondante, & l’autre partie est inculte & deserte. Ne croyez-vous pas que les [ 279] dormans qui entrerent dans la caverne, & que le papier où estoit escrit leurs noms, ne soient de nos miracles ? Lors que ces hommes sont entrez dans la caverne ils ont dict, Seigneur, donne-nous ta misericorde, & nous conduits au droict chemin. Alors nous les avons endormys l’espace de quelques années, & les avons reveillez apres avoir demeurez quelque temps dans cette grotte, pour faire paroistre laquelle des deux Religions estoit la plus juste ; Je te raconteray leur histoire avec verité, ils estoient de jeunes hommes qui avoient la crainte de leur Seigneur devant leurs yeux, nous les avons fortifiés, & avons augmenté leur foy ; lors qu’ils estoient avec les infidelles ils disoient, nostre Dieu est le Seigneur du Ciel & de la Terre, nous n’adorerons jamais qu’un seul Dieu, autrement nous nous esloignerons de la verité, ce peuple a adoré les Idoles sans raison ; qui est plus injuste que celuy qui blaspheme contre Dieu ? Lors qu’ils ont esté separez des infidelles, ils ont adoré un seul Dieu. Entrez dedans la caverne, Dieu vous fera paroistre sa misericorde, & vous conduira par un sentier doux & agreable ; Lors que le Soleil se levoit, il jettoit ses rayons au costé droict de leur caverne, & au costé gauche lors qu’ils se couchoit, cependant qu’ils estoient dans le lieu le plus spacieux de cette grotte, c’est un des miracles de Dieu, celuy qu’il conduit est bien conduit, & celuy qu’il devoye ne trouvera personne qui luy donne [ 280] secours ny qui le conduise ? Croyez vous qu’ils fussent esueillez ? assurément ils dormoient & se tournoient tantost sur un costé tantost sur l’autre, considere comme leur chien estendoit ses pieds dedans cette vieille habitation de pierre, si quelqu’un fut entré vers eux il les auroit fait fuïr, & les auroit effrayez. Enfin nous les avons reveillez, & ont demandé l’un à l’autre en quel lieu ils estoient, & combien de temps ils y avoient demeuré, un d’entr’eux a respondu qu’ils y avoient sejourné un jour ou deux, alors ils dirent tous ; Dieu sçait le temps que nous y avons sejourné, envoyons un de nous à la ville avec de l’argent pour acheter du pain & de la viande, qu’il ne soit pas trop craintif, & qu’il ne se fasse cognoistre à personne, si nous sommes cognus, ils nous tueront où nous contraindrons de suivre leur Religion, en quoy nous serions eternellement mal-heureux ; Ainsi nous avons souslevé le peuple contr’eux, afin qu’il cognoisse que ton Seigneur est veritable, lors qu’il a dit qu’il fera ressusciter les morts, la resurrection est indubitable, neantmoins les infidelles disputent entr’eux de l’histoire des dormans, & disent qu’ils avoient basty un lieu secret pour se retirer, Dieu en sçait la verité. Les vray-croyans croyent qu’ils n’avoient point fait de bastiment, les infidelles disent qu’ils estoient cinq, & que leur chien estoit le sixiesme, ils en parlent par opinion, mais les vray-croyans disent qu’ils estoient sept & que leur chien estoit le huictiéme : [ 281] dis-leur, Mon Seigneur sçait combien ils estoient, hors Dieu peu de personnes le sçavent, ne doute plus de l’histoire des dormans, la chose est averée & cognuë, n’en dispute plus avec les Juifs, & ne dis pas, je feray cela demain sans dire, s’il plaît à Dieu. Souviens-toy de Dieu apres l’avoir oublié, & dis, le Seigneur me conduira & m’enseignera l’histoire des dormans [1] , ils ont demeuré dans cette caverne trois cens ans, il y a des personnes qui disent qu’ils y ont demeuré neuf cens ans ; Dis leur, Dieu sçait le temps qu’ils y ont demeuré, il sçait tout ce qui est au Ciel & en la Terre, il entend tout & void tout, il dispose seul de toute chose, & n’a point de compagnon ; Presche ce que ton Seigneur t’a inspiré, sa parole ne reçoit point d’alteration, il n’y a point de refuge plus assuré qu’en luy, habite avec ceux qui l’invoquent soir & matin, & qui desirent de voir sa face, ne t’esloigne pas de leur compagnie, si tu desire avoir contentement de la vie de ce monde, n’obeys pas à ceux desquels nous avons endurcy le cœur, & qui ne se souviennent pas de nous, n’ensuis pas leur impieté, tout ce qu’ils font n’est qu’offense & peché ; Dis leur, la verité procede de vostre Seigneur, qui voudra sera vray-croyant, & qui voudra sera infidelle, nous avons preparé le feu d’Enfer pour chastier les injustes, & des prisons pour les arrester. Ils demanderont secours contre l’estaing fondu dans lequel ils seront plongez [ 282] comme dans l’eau, il rotira leur face & sera leur bruvage ; je ne priveray pas de recompense ceux qui auront bien fait, ils joüiront des delices des jardins d’Eden où coulent plusieurs fleuves, ils auront des bracelets de fin or ; ils seront vestus de verd, d’escarlate, de couleur esclatante, & seront assis dans des trosnes avec une eternelle felicité. Dis leur cette parabole, il y avoit deux hommes, j’ay donné à l’un d’eux des jardins où il y avoit quantité de fruicts, il a dit à son compagnon par mespris qu’il estoit plus riche & plus puissant que luy, & est entré dans ses jardins, il estoit infidelle & idolâtre & a dit, je ne pense pas que cela finisse jamais, ils subsisteront longuement sans flestrir. Son compagnon luy a dit, Si tu ne recognois que cela provient de Dieu, & si tu és ingrat envers celuy qui t’a creé de bouë, & t’a fait homme,, tu trouveras bien tost tes jardins ruinés ; cela provient de Dieu mon Seigneur qui n’a point de compagnon, toute force & verité procede de sa divine Majesté ; Si j’ay moins de bien que toy, Dieu me peut donner des fruicts plus beaux que ceux de tes jardins, ou envoyer le foudre qui les ruinera, il les remplira d’eau de pluye qui les entourera & t’empeschera d’en approcher ; Le matin cét infidelle a trouvé ses jardins ruinés jusques aux racines, il a esté extremément fâché de la despense qu’il avoit faite à les ajuster, & a dit, Pleust à Dieu que je n’eusse pas adoré les idoles ; Il ne trouvera personne qui le puisse proteger au jour du Jugement autre que Dieu, [ 283] toute protection & grace procede de sa divine bonté, & la fin des gens de bien sera heureuse. Dis leur, cette parabole, la vie du monde est semblable à la pluye tombée du Ciel qui a rafraischy & fait reverdir les herbes de la terre, & le matin ont esté seiches comme la paille que le vent emporte, Dieu est tout-Puissant, les richesses & les enfans sont l’ornement de cette vie, mais les bonnes œuvres sont eternelles, elles sont agreables à Dieu, & nous font esperer sa grace. Souviens-toy du jour que les montagnes marcheront, & que tu verras la terre unie, ce jour j’assembleray les bons & les meschans, & ne manqueray de parole à personne, ce jour les infidelles prieront le Seigneur de les sauver, il leur dira, vous estes venus à nous nuds comme nous vous avons creés la premiere fois, & avez crû en terre qu’il n’y avoit point de resurrection ; alors il donnera à chacun le livre sera escrit le compte de leurs pechez : Tu verras les meschans trembler de peur, ils diront, voicy nostre perte, qui a-t’il dans ce livre ? il contient leurs pechez veniels & leurs pechez mortels, & descouvre leurs fautes, ils trouveront le nombre de tous leurs crimes devant leurs yeux ; Ton Seigneur ne fait injustice à personne ; Souviens-toy que nous avons commandé aux Anges de s’humilier devant Adam, & qu’ils se sont humiliez excepté le Diable qui estoit au nombre des Anges, il a desobey à son Seigneur, neantmoins Adam & sa posterité luy ont obey encore qu’il soit leur [ 284] ennemy découvert, & particulierement des infidelles. Ne considerez-vous pas que Dieu a creé le Ciel & la Terre, qu’il vous a creé, & qu’il n’a pas eu besoin d’estre aydé de vous. Souviens-toy du jour qu’on dira aux Idolatres, Appellez vos Idoles que vous avez adorées pour avoir pardon de vos pechez ; ils les imploreront, mais personne n’exaucera leurs prieres, nous les avons ruinez, les meschans verront le feu auquel ils tomberont & ne trouveront personne pour les sauver. Nous avons enseigné aux hommes dans l’Alcoran plusieurs paraboles, neantmoins les impies abondent en question & disputent trop, qui empesche le peuple de croire puis qu’il luy est venu un guide pour le conduire au droict chemin ? S’ils ne demandent pardon à Dieu il leur arrivera ce qui est arrivé à leurs predecesseurs & à Beder, ils seront visiblement chastiez ; Je n’envoye les Prophetes que pour annoncer les joyes de Paradis, & pour prescher les tourmens de l’Enfer, les infidelles disputent inutilement pour obscurcir la verité, ils se moquent de mes commandemens & du feu d’Enfer, qui est plus injuste que celuy qui sçait les commandemens de son Seigneur & ne luy obeit pas, & oublie les pechez passez ? Nous avons endurcy leur cœur, ils ne comprendront pas l’escriture, nous leur avons bouché les oreilles, ils n’entendront rien, si tu les appelle au droict chemin ils ne le suivront pas, ton Seigneur est clement & misericordieux, s’il les chastoit selon leurs [ 285,] demerites , il les extermineroit promptement, il attend le temps qu’il a promis de les chastier, & ne trouveront personne qui les puisse proteger. Nous avons exterminé les villes lors que leurs habitans nous ont offensé, & avons ordonné le jour de leur ruine. Souviens-toy que Moïse a dit à son serviteur, Je travailleray incessamment jusques à ce que j’aye veu le lieu où les deux mers s’assemblent quand je devrois cheminer un siecle ; Lors qu’il a esté arrivé en ce lieu, luy & son valet ont oublié leur poisson, il avoit pris son chemin dans la mer ; Apres avoir cheminé quelque temps, Moïse a eu appetit & a demandé à manger à son valet qui luy a dit ; As-tu veu ce qui est arrivé auprés du rocher ? j’ay oublié nostre poisson, le Diable me l’a fait oublier, il a pris miraculeusement son chemin dans la mer, ce rocher est le lieu que nous cherchons ; ils sont retournez tous deux sur leurs pas discourans ensemble jusques à ce rocher, où ils ont trouvé un de nos serviteurs que nous avons gratifié de nos graces, & auquel nous avons inspiré les sciences : Moïse luy a dit : permets-moy de te suivre, afin que tu m’enseigne les sçiences & que tu m’instruise, Il a respondu, tu ne pourras pas patienter avec moy, comme patienteras-tu pour entendre une chose que personne du monde n’a jamais sçeu ? Moïse a dit, tu me trouveras grandement patient, & ne te desobeiray pas ; il luy a respondu, si tu me suis ne me demande rien, & escoute seulement ce que je te [ 286] diray ; Ils s’en sont allez ensemble, & lors qu’ils ont esté dans le batteau, il en a rompu une planche, Moïse luy a dit, tu as rompu ce vaisseau pour nous faire submerger, c’est une chose estrange ; il luy a respondu, ne t’ay-je pas dit que tu ne pourras pas patienter avec moy ? Moïse luy a respondu, excuse moy, & ne m’afflige pas, j’avois oublié ce que tu m’avois ordonné ; Ils s’en sont allez tous deux jusques à ce qu’ils ont rencontré un enfant qu’il a tüé ; Moïse luy a dit, tu as tüé un innocent qui n’avoit tué personne, tu as fait une chose hors de raison & qui ne doit pas estre approuvée ; il luy a respondu, ne t’ay-je pas dit que tu ne pourras pas patienter avec moy ? Moïse luy a dit, excuse-moy encore cette fois, si je te demande quelque autre chose abandonne moy ; Ils ont suivy leur chemin jusques à un village où les habitans leur ont refusé du pain, en ce temps ils ont rencontré une muraille ruinée qu’il a relevée, Moïse luy a dit, tu aurois esté payé pour refaire cette muraille si tu avois voulu ; il luy a respondu, or sus voicy le lieu de nostre separation, neantmoins je t’expliqueray ce que tu as esté impatient d’apprendre. Ce batteau est à deux pauvres hommes qui travaillent à la mer pour gaigner leur vie, je l’ay voulu percer pour le conserver à ces pauvres gens, par ce qu’il y avoit un Prince infidelle qui prenoit par force les bons vaisseaux pour son service. Cet enfant que j’ay tué est un idolatre, enfant d’un vray-croyant homme de bien, nous avons eu peur qu’il [ 287] fit pecher son pere & le fit dévoyer dans son erreur & son infidelité, le Seigneur l’a voulu exterminer par sa bonté pour delivrer son pere de sa malice. La muraille est à deux enfans orphelins de la ville, il y a dessous un tresor qui leur appartient, leur pere estoit homme de bien, Dieu leur veut conserver ce thresor par sa bonté jusques à ce qu’ils soient arrivez en aage de discretion, il a aussi voulu que j’aye fait ce que j’ay fait : Voila l’explication de ce que tu as esté impatient d’apprendre. Si quelqu’un t’interroge d’Alexandre le Grand, raconte leur son histoire. Nous luy avons donné en terre ce qu’il a desiré, il est allé jusques au Ponant où il a trouvé une fontaine gardée par un homme qui luy a dit. O Alexandre, chastie les hommes par le meurtre de leurs personnes, par esclavage & par rançon ; Il a respondu, je feray mourir les infidelles en ce monde, & le Seigneur les chastiera dedans l’Enfer, & les gens de bien jouyront de la gloire de Paradis, je diray aux meschans que Dieu nous a donné ce que nous avons desiré : Apres ce il a suivy son chemin jusques à ce qu’il est arrivé au lieu où le Soleil se leve, il a treuvé qu’il se leve dans un pays où l’on ne trouve rien pour se couvrir de sa chaleur, la chose est ainsi. Nous avons enseigné à Alexandre les moyens de s’en couvrir, il a suivy son chemin jusques à ce qu’il est arrivé entre deux montagnes habitées d’une nation qui parloit un langage qu’il avoit peine à entendre, ils luy ont dit. O Alexandre, Jagog & [ 288] Magog salissent la terre, peux-tu mettre entre eux & nous un obstacle pour empescher qu’ils ne puissent venir à nous ? Dieu, dit Alexandre, ne m’a pas donné les moyens de le faire, mais aidez moy de vostre pouvoir, je mettray entr’eux & vous une forte separation, donnez-moy du fer qui puisse couper les pierres, afin que je bastisse entre les deux montagnes, & que je fortifie le chemin qui les separe, soufflez lors que le fer frapera sur les pierres pour allumer du feu, & vuidez de l’airain fondu pour lier les pierres & le fer ensemble, s’ils viennent ils ne pourront pas percer la montagne, ny trouver de chemin pour venir à vous, c’est une grace que Dieu vous fait, ses promesses sont infaillibles lorsque l’heure est arrivée, il est veritable en ce qu’il promet, Nous les avons laissez mesler les uns avec les autres, nous les assemblerons tous quand la trompette sonnera, alors nous ouvrirons l’Enfer aux impies & à ceux qui n’ont voulu ny voir ny escouter l’Alcoran ; pensent-ils que ceux qui m’adorent soient leurs Dieux ? nous avons preparé l’Enfer pour les chastier ; Dis-leur, vous raconteray-je ce qui arrivera aux gens perdus, leurs œuvres sont inutiles en ce monde encore qu’ils pensent bien faire, les bonnes œuvres sont inutiles à ceux qui mesprisent les commandements de leur Seigneur, & qui ne croyent pas à la resurrection, il ne faudra point de balance pour eux au jour du Jugement, l’Enfer sera leur habitation parce qu’ils se moquent de nos commandemens, & de nos Apostres [ 289] & Prophetes ; Les gens de bien jouyront éternellement des delices de Paradis sans discontinuation. Si la mer estoit ancre pour escrire les merveilles de mon Seigneur, elle finiroit plustost que ses miracles : dis aux infidelles, je suis homme comme vous, Dieu m’a enseigné qu’il n’y a qu’un seul Dieu, celuy qui croit en la resurrection s’estudie à faire de bonnes œuvres, n’adorez qu’un Dieu seul qui est sans compagnon.

notes originales réduire la fenêtre

[1] Voy Gelaldin.